La CAN 2023/2024 : la compétition de « l’hospitalité » en terres ivoiriennes
Stade Olympique Ebimpé (© Wikimedia Commons - Yelika225) |
Le 13 janvier 2024, avec 1an de retard, s’ouvrait la 34e de la Coupe d’Afrique des Nations au Stade Olympique Ebimpé (ou Stade Alassane Ouattara), en plein coeur de la ville la plus célèbre de la Côte d’Ivoire, Abidjan. Portée par l’hymne officieuse « Coup du Marteau » et sa danse iconique, la Côte d’Ivoire a vu sa sélection remporter son 3e titre continentale sur ses terres, après un parcours qu’on est pas près d’oublier, à l’image de cette édition 2023/2024.
Des favoris qui n’ont pas fait l’enfeu
Après une cérémonie d’ouverture réunissant un gratin de stars (Yemi Alade, Dadju, Tayc, Mohammed Ramadan) et surtout les fameux Magic System, la compétition a débuté par une victoire du pays hôte contre la Guinée-Bissau sur le score de 2-0. Une belle entrée en matière pour une nation historique du football africain, ne faisant pourtant pas partie des favoris de la compétition que sont le Cameroun, l’Algérie, le Sénégal, le Maroc, le Nigéria et l’Egypte.
Un statut de favoris qui n’a pas été facile à assumer pour la plupart de ces sélections. Le Cameroun et l’Algérie ont été éliminé en phases de poules. Quant à l’Egypte et à l'inséparable duo Sénégal-Maroc, ils n’ont pas réussi à aller au-delà des huitièmes de final. Un véritable échec pour le tenant du titre et pour le demi-finaliste de la dernière Coupe du Monde, qui visait la victoire finale.
Des supporters marocains dépités après l'élimination prématurée de leur équipe (© Siphwe Sibeko/ Reuters - Ouest France) |
Seule exception : le Nigéria. Les « Super Eagles » ont réalisé un parcours à l’image de leur niveau. Porté par un Victor Oshimen au rendez-vous, ils se sont hissés jusqu’en finale face aux « Éléphants » ivoiriens. D’autres nations un peu moins attendues comme le Mali, la Guinée, l’Afrique du Sud (élue meilleure défense du tournoi avec 5 clean sheet) ou la République Démocratique du Congo, ont réalisé une compétition admirable. Les deux derniers ont respectivement fini 3e et 4e, après avoir sorti le Maroc et l’Egypte.
Les belles surprises de l’Afrique lusophone
La balance continue à s’inverser sur le continent africain : les grandes nations historiques ont été challengées par des nations émergentes qui ont su créer la surprise. Comme le rappelait l’entraineur sénégalais Aliou Cissé à l’issue d'une conférence de presse : il n’y a plus de petites équipes en Afrique.
Ces belles surprises sont venues tout droit de l’Afrique lusophone, à commencer par la Guinée équatoriale, nation la plus prolifique du tournoi. Après un match nul face à la sélection nigériane, le « Nzalang Nacional » (« L’Eclair national ») a enchaîné deux victoires coup sur coup, dont un historique 4-0 face à la Côte d’ivoire, avant de sortir prématurément en huitièmes face à une autre Guinée (la Guinée-Conakry). Sur les 8 buts marqués au total, 5 ont été marqués par leur capitaine Emilio Nsue, élu meilleur buteur de la compétition. Aujourd'hui, l'avenir de cette équipe prometteuse est incertain, en raison des récents scandales de corruption et d'exclusion de joueurs comme Nsue...
Le capitaine Emilio Nsue et son coéquipier Pablo Ganet au duel avec le joueur guinéen Sekou Sylla (© Wikimedia Commons - Fédération Guinéenne de Football) |
D’autres sélections lusophones ont crée la sensation. Pour leur quatrième participation, les « Requins Bleus » du Cap-Vert se sont hissés jusqu’en quart de finale, après être sortis 1er d’un groupe relevé composé entre autres du Ghana et de l’Egypte. Cela donne de l’espoir pour la suite, le Cap-Vert espérant se qualifier pour la prochaine Coupe du Monde en 2026.
Il nous faut également mentionner ici l’Angola, outsider de la compétition, qui a réalisé un tournoi qui en a surpris plus d’un. Avec des entrées remarquées dans le stade, aux pas de kuduro et d’afrohouse, l’équipe des « Gazelles Noires » a révélé aux yeux du continent son talent footbalistique avec des joueurs aux dribbles enflammés comme Gelson Dale et Mabululu, connu pour ses célébrations loufoques.
Une CAN aux allures d’une série à suspens
Cette CAN 2023/2024 s’en est allée de son lot de suspense et de scénarios rocambolesques. Le parcours de la Côte d’Ivoire en est un parfait exemple. Après leur défaite cuisante face à la Guinée équatoriale, les « Éléphants » étaient prêt à se diriger vers la sorti, manquant de peu la place qualificative du meilleur 3e.
Ce n’est sans compter sur l’intervention du gardien ghanéen face au Mozambique lors de leur dernier match de poule. Alors que le Ghana menait au score, Richard Ofori provoque malencontreusement un corner, qui va permettre à l’équipe d’adverse d’égaliser, et par la même occasion, de redonner de l’espoir à la sélection ivoirienne. Pour que cet espoir se transforme en réalité, le Maroc devait absolument gagner contre la Zambie. Avec un petit 1-0, les « Lions de l’Atlas » ont « offert » à tout un pays une place en phase finale, ce qui a crée un lien fort entre les deux sélections et leurs supporters : certains ivoiriens se considéraient dorénavant comme marocains et vice-versa.
Avec cette qualification poussive, la Côte d’Ivoire n’était pas au bout de ses peines. Leu entraîneur Jean-Louis Gasset a été limogé peu avant le début de la phase finale. Emerse Faé, l’entraîneur « interimaire » qui a pris le relais, avait tout à perdre. Et pour ne pas arranger les choses, elle a dû affronter les tenants du titre dès les huitièmes de finale. Mais avec un collectif soudé et une dose de chance, tout est possible. Les Éléphants ont réalisé l’exploit d’éliminer les « Lions de la Terengua » aux tirs aux buts, avant qu’Oumar Diakité n’envoie son pays en demi-finale dans les dernières secondes d’un match intense face au Mali, où 3 cartons rouges ont été distribué. La suite on la connaît. La Côte d’Ivoire remporte face au Nigéria sa CAN de l’hospitalité, grâce à des buts de Franck Kessié et de Sébastien Haller ; et leur sélectionneur Emerse Faé a été, quant à lui, désigné meilleur coach du tournoi.
Des buts (beaucoup de buts) et des images inoubliables
Avec près de 118 buts, cette Coupe d’Afrique des Nations ivoirienne restera dans les annales comme ayant été la plus prolifique de l’histoire. Des réalisations qui ont marqué les esprits, à commencer par les frappes stratosphériques des attaquants cap-verdiens Kevin Pina et Bebe, qui ont nettoyé plus d’une lucarne. Le Cap-Vert qui aura ravi les amoureux du beau jeu et du tiki taka.
D’autres joueurs ont brillé par leurs réalisations venues d’une autre planète. D’un coup-franc excentré côté gauche, l’attaquant congolais Arthur Musuaku nous a offert une frappe à la trajectoire lunaire, qui a atterrit sous la barre transversale du même côté. Sébastien Haller, vainqueur du cancer et de la CAN, a envoyé son pays vers le sacre final d’une semelle déviant la balle dans la lucarne opposée.
Mention spéciale à la performance historique du gardien sud-africain, qui n’a pas marqué mais réalisé le rare exploit d'effectuer 4 arrêts lors de la séance de tirs aux buts face au Cap-Vert
Mais au-delà des buts, cette CAN 2023/2024 s’en est allée de son lot d’images mémorables. Des nouveaux mèmes ont fait fureur sur X/Twitter, comme celui de la réaction de l’entraineur équato-guinéen, au moment où son capitaine rate un pénalty décisif. Un autre même encore relayé aujourd’hui est celui de l’entraîneur malien Eric Chelle, qui, abattu par l’élimination de son pays, se fait rafraichir le cou par de l’eau en bouteille.
Le nouveau mème de la compétition : l'entraîneur du Mali Eric Chelle se fait arroser d'eau par son staff (© Beinsport) |
D’autres images plus symboliques ont rendu cette compétition mémorable. Les vidéos de célébrations de supporters sur le son « Coup du Marteau » ont donné du baume au coeur et mis en lumière toute la diversité du continent africain.
Mais ce qui a le plus marqué les mémoires, c’est l’engagement politique des joueurs congolais. La sélection des « Léopards » a profité de l’engouement autour de cette CAN pour dénoncer le génocide en cours actuellement dans leur pays. Une image forte a été quand les joueurs ont masqué leur bouche et imité un pistolet sur la tempe durant leur hymne nationale.
Pour finir en beauté et sur une note positive, les paroles du « Coup du Marteau » ont retenti une dernière fois lors de la cérémonie de clôture le 11 février, comme un dernier moment de communion.
Plus que d’être la CAN de l’hospitalité, cette Coupe d’Afrique des Nations a surtout été celle de la ferveur populaire. Une ferveur qui s’est répandue jusqu’en dans les diasporas, pour qui la CAN est l’occasion de célébrer ses origines sur les réseaux sociaux et dans la rue (du moins quand elle ne se fait pas gazée par la police). Tout ce qu’on espère maintenant c’est que la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, qui se déroulera au Maroc en 2025, nous fasse tout autant vibrer et apprécier le football africain.