La Coupe d’Afrique des Nations 2021-2022 : une édition pas comme les autres
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Le trophée tant convoité de la Coupe D'Afrique des Nations (© Wikimedia Commons-Jeanpierrekepseu) |
Près de huit mois après le sacre du la sélection sénégalaise, retour sur une CAN aussi inédite que furent les deux dernières années de pandémie. Considérée à tort comme "un caillou dans la chaussure des championnats européens", la Coupe d’Afrique des Nations 2021-2022, lancée par l’artiste Fally Ipupa , a été le championnat des entraîneurs locaux, plus nombreux que les entraîneurs étrangers. Mais c’est avant tout toute la dramaturgie d’une compétition continentale qui était au rendez-vous.
NB : Il s'agit là de mon deuxième article seulement, écrit aussi il y a plus d'1an, quelques mois après la fin de la compétition. Bien que datant un peu, c'est toujours intéressant de se replonger dans l'ambiance de la CAN, surtout avant d'entamer la prochaine édition en 2024.
La compétition du COVID
Pourquoi parlons-nous ici d’édition 2021-2022 ? Car cette CAN que tout le monde attendait devait se dérouler en 2021, mais le grand méchant COVID est passé par là et et a repoussé la compétition en 2022. Et c’est bien ce même virus Sars-Cov-2 qui a orchestré la CAN camerounaise. Protocole sanitaire stricte avec test PCR systématique pour les joueurs et les supporters. Ces mêmes supporters, qui devaient par ailleurs être vaccinés pour pouvoir acheter leur place au stade. Or on sait très bien que pour diverses raisons, le taux de vaccination en Afrique dépassait à peine la barre des 10%. Dès lors, il n’était pas surprenant de voir des stades à moitié remplis ou quasiment vides lors des matchs de poules ou à élimination directe.
Ce qui était pour le moins étonnant par contre, c’est la flambée des cas positifs malgré ce protocole, au sein de nombreuses sélections, dont le schéma tactique, voire même la participation, était compromis. On peut citer en premier lieu le cas du Gabon, qui a perdu deux de ses joueurs phares, Mario Lemina et surtout la star de l’équipe, Pierre-Emerick Aubameyang. La Tunisie, quant à elle, s’est vu privée de son capitaine Wahbi Khazri , de son coach et de 11 autres joueurs, alors qu’elle abordait son dernier match de poule contre la Gambie, décisif pour sa qualification en huitième.
L’un des cas les plus emblématiques demeure celui de la sélection comorienne, qui a été décimée par le virus. Se retrouvant sans gardien pour son huitième finale contre le pays hôte, les "Coelacanthes" ont dû faire appel à un de leur latéral, Chaker Alhadhur, qui a livré une performance plus qu’honorable, faisant même oublié sa formation de joueur de champ. Mais le hic dans cette histoire, c’est que la sélection camerounaise n’a eu à déplorer quasi aucun cas de COVID, ce qui n’a pas manqué d’éveiller les soupçons de tout bords quant à un potentiel favoritisme de la CAF vis-à-vis des Lions Indomptables.
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Chaker Alhadhur, le gardien inespéré des Comores (© 20minutes - Kenzo Tribouillard / AFP) |
Des controverses, des couacs et des nations qui sont passées à côté...
Cette 33e CAN s’en est allée de son lot de cafouillages, de scandales, et de désillusions.
À quelques jours du début de la compétition, le journaliste d’investigation Romain Molina, connu pour ses révélations inédites, a mis en lumière les affaires de viol et de pédophilie au sein de la fédération gabonaise de football, remettant ainsi au centre du débat les questions de corruption et d’atteinte aux droits humains.
La CAN 2021-2022 c’était aussi les joueurs mauritaniens qui n’ont pas pu entendre leur hymne lors de Mauritanie-Gambie ; et cela pour cause d’erreur de cassettes…
Comme à chaque compétition internationale, l’arbitrage aura fait des heureux et des malheureux. Et dans le cas du match Tunisie-Mali, c’est les Aigles de Carthage qui ont été les plus mal lotis. Cette rencontre a commencé à tourner au ridicule lorsque l’arbitre zambien, Janny Sikazwe, siffle la fin du match 5 minutes avant la fin du temps réglementaire, avant de relancer la rencontre comme si ne rien n’était. Mais il ne s’arrête pas là et réitère sa maladresse, avant même que le temps additionnel ne soit annoncé. Comme tout spectateur de ce match, les joueurs et le staff tunisiens n’en revenaient pas, et dans la confusion la plus générale, le match n’a pas repris. Cette scène rocambolesque, qui a fait couler beaucoup d’encre, a bien arrangé les Aigles maliens, qui étaient devant au tableau d’affichage ; autre façon de dire que le malheur des uns fait le bonheur des autres.
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L'arbitre zambien Janny Sikazwe sifflant la fin de Tunisie-Mali prématurément (©Winamax - Beinsport) |
Sur le plan des résultats footbalistiques, la CAN camerounaise a été le théâtre de nombreuses désillusions, à commencer par le parcours expéditif de l’Algérie. Les tenants du titre n’ont pas su faire mieux que de s’arrêter à la phase poule, en ayant marqué qu’un seul but sur 3 matches. D’autres sont allés un peu plus loin, mais sans faire l’enfeu. Il s’agit de la Côte d’Ivoire et du Nigéria, deux nations attendues mais qui se sont fait sortir prématurément en huitième de finale par l’Egypte et la Tunisie. Tunisie qui se fera sortir en quart par la vaillante sélection burkinabé, au terme d’un match sous tensions. Mais l’archétype du match tendu fut sans hésitations la rencontre entre l’Égypte et le Maroc. Entre faux rythme, agressivité, fautes et simulations à répétition, ce match avait un doux air d’une finale de Copa America entre le Brésil et l’Argentine. Sauf qu’ici ce sont les Pharaons qui ont su tiré leur épingle du jeu et se qualifier pour les demies, grâce en grande partie à leur vedette de Liverpool, Mohamed Salah. Lui et ses 10 coéquipiers ont réussi à faire déjouer une sélection marocaine faisant pourtant partie des favoris de la compétition. La sélection égyptienne ne s’en est d’ailleurs pas arrêter là, et à été l’acteur d’une des plus grandes désillusions de cette CAN. Elle a en effet réussi l’exploit d’éliminer le pays hôte aux portes de la finale, au terme d’une séance de tirs aux buts fugace ( 1-3 pour les Egyptiens), le privant ainsi d’un sacre à domicile.
...mais des sélections et des joueurs qui ont su tirer leur épingle du jeu
La CAN c’était aussi des moments riches en émotions et en virtuosité.
Minés par une sortie houleuse contre l’Egypte, les Lions Indomptables ont su sauver l’honneur en inversant la tendance face à au surprenant Burkina Faso, notamment grâce à une performance solide de leur attaquant vedette Vincent Aboubakar, auteur d’un doublé. Les Pharaons de Mo Salah ont eu, quant à eux, un parcours pour le moins chaotique, se qualifiant presque à chaque fois aux tirs aux buts. Cependant, il faut tout de même souligner leur force physique et mentale, en témoigne la ténacité de leur gardien Gabaski, qui leur a permis de venir à bout de nations prétendantes à la victoire. Leur parcours honorable et poussif s’achèvera sur une défaite en finale, encore aux tirs aux buts, face au Sénégal. Déchues en 2019 face à l’Algérie, les Lions de la Terengua sont enfin parvenus à décrocher avec panache leur première CAN de l’histoire. Tout s’est joué sur le dernier pénalty. Sadio Mané, face à son destin, a offert la victoire à son pays, au bout d’un missile tiré côté gauche, après avoir manqué son duel face au même Gabaski en première mi-temps. C’est aussi de surcroît, la victoire de tout un collectif entraîné depuis 2015 par l’ex-international Aliou Cissé, avec des joueurs qui se sont progressivement affirmés sur le terrain. Nous pensons tout suite à celui qui a été désigné meilleur gardien de la CAN, Édouard Mendy ; mais nous pouvons aussi citer des joueurs comme Bamba Dieng ou Pape Gueye, dont l’entrée en jeu a été déterminante face à l’Egypte.
Car que serait une compétition continentale sans des talents qui se révèlent au grand jour ? La réponse est évidente. Nous aurions pu revenir ici sur la performance héroïque du latéral comorien, mais ça serait passer à côté de l’attaquant du Malawi, Gabadinho Mhango, dont l’élimination a été avorté par les Lions de l’Atlas. De son vrai nom Hellings Frank Mhango, le capitaine des Flammes, qui évolue aux Orlando Pirates, a été à mon sens l’une des révélations de cette CAN. Il lança ses coéquipiers malawites lors de leur deuxième match de poule en inscrivant un doublé face au Zimbabwe de Tino Kadewere, tenant par la suite en échec la sélection sénégalaise. Énième et dernier coup d’éclat lors de Maroc-Malawi, où celui qui fait partie des troisièmes meilleur buteur de la compétition, lance la rencontre d’une frappe inattendue mais somptueuse en pleine lucarne, à près de 40 mètres du but adverse !
Cette CAN 2021-2022 restera ainsi dans les annales car au-delà de son contexte sanitaire particulier, les exploits et les désillusions des uns et des autres nous auront fait à la fois aimer et détester le football…Rendez-vous dans moins d’un an pour assister à une nouvelle compétition pleine de surprises sur les terres ivoiriennes !